La communauté internationale doit user de tous les moyens diplomatiques disponibles pour empêcher les autorités iraniennes d’effectuer l’amputation des doigts de huit hommes, dont au moins trois ont été déclarés coupables sur la base d’« aveux » extorqués sous la torture à l’issue de procès manifestement iniques, a déclaré Amnesty International le 10 juin 2022.
Selon des informations obtenues par l’organisation, les autorités ont informé ces hommes qu’ils seront transférés dans une prison équipée d’une guillotine dans les jours à venir afin d’appliquer leurs sentences.
« L’amputation des doigts des prisonniers est une forme de torture et illustre une nouvelle fois le manque choquant d’humanité de la justice pénale en Iran, qui légalise la torture, un crime relevant du droit international. Infliger des châtiments aussi odieux est à l’opposé de la justice et constitue une atteinte ignoble à la dignité humaine. Les autorités iraniennes doivent immédiatement annuler les condamnations et les peines d’amputation de ces huit hommes et leur accorder un nouveau procès équitable sans recourir à des châtiments corporels, a déclaré Diana Eltahawy, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Nous appelons la communauté internationale à intervenir de toute urgence pour mettre fin à l’application de ces condamnations. Elle doit engager les autorités iraniennes à abolir toutes les formes de châtiments corporels. Il est inacceptable qu’elles continuent de commettre de tels actes de cruauté en toute impunité. »
Ces huit hommes sont actuellement détenus au pénitentiaire central du Grand Téhéran. Le 15 mai, Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand ont été transférés depuis la prison d’Urumieh, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, en vue de préparer l’application de leurs condamnations. Parmi les cinq autres, le nom d’un prisonnier a été identifié, à savoir Yaghoub Fazeli, mais Amnesty International n’a pas pu obtenir les noms des autres. Tous les huit ont été déclarés coupables de vol qualifié et condamnés à l’amputation de leurs doigts. Amnesty International croit savoir que ces condamnations ont été confirmées par la Cour suprême et transmises au Bureau d’application des peines, ce qui signifie qu’elles peuvent être exécutées à tout moment.
Le 8 juin, les autorités chargées des poursuites leur ont annoncé qu’ils seraient transférés à la prison d’Evin à Téhéran ou à la prison de Rajai Shahr à Karaj, dans la province d’Alborz, pour que leurs sentences soient appliquées, mais le transfert a été reporté à la dernière minute pour des raisons inconnues. Cette décision intervient alors que des militant·e·s des droits humains en Iran ont indiqué qu’une guillotine avait été amenée à la clinique de la prison d’Evin le mois dernier et que, le 31 mai, les autorités pénitentiaires avaient amputé quatre doigts à un prisonnier transféré de la prison de Dizel Abad, dans la province de Kermanshah, pour que sa sentence soit appliquée.
L’amputation des doigts des prisonniers est une forme de torture et illustre une nouvelle fois le manque choquant d’humanité de la justice pénale en Iran, qui légalise la torture, un crime relevant du droit international, a déclaré Diana Eltahawy, Amnesty International.
Les châtiments inhumains comme l’amputation sont des actes de torture, qui constituent à ce titre des crimes de droit international et sont interdits par l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Iran est partie. L’Iran est légalement tenu d’interdire et de sanctionner la torture en toutes circonstances et sans exception.
Cependant, le Code pénal islamique iranien prévoit également l’imposition à titre de sanction pénale de châtiments corporels constituant des actes de torture, notamment la flagellation, l’aveuglement, la crucifixion et la lapidation.
« Afin de prévenir ces actes de torture cautionnés par l’État et de fournir des réparations aux victimes, nous demandons à tous les États d’exercer leur compétence universelle lorsque cela est possible afin d’enquêter sur les représentants de l’État iraniens, notamment les professionnels de santé, responsables d’avoir ordonné ou commis des actes de torture tels que des amputations, ou de s’en être rendus complices, et s’il existe suffisamment d’éléments de preuve recevables, de délivrer des mandats d’arrêt et de les poursuivre en justice. »
Complément d’information
Hadi Rostami et Mehdi Shahivand ont entamé une grève de la faim le 29 mai 2022 pour protester contre leurs condamnations. Ils y ont mis fin le 2 juin après que des fonctionnaires leur ont assuré qu’ils seraient graciés.
Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand se sont tous vu refuser l’accès à un avocat pendant la phase d’instruction de leur dossier, et les tribunaux se sont appuyés sur des « aveux » forcés obtenus sous la torture et d’autres mauvais traitements pour obtenir leur condamnation, bien que les accusés se soient rétractés pendant leur procès. Les autorités judiciaires n’ont pas ordonné d’enquête sur leurs allégations de torture. Selon les décisions de justice, examinées par Amnesty International, ils sont condamnés à « avoir quatre doigts de la main droite entièrement coupés en ne laissant que la paume de la main et le pouce », conformément au châtiment prévu pour certains types de vol qualifié dans le Code pénal islamique iranien.
Les autorités iraniennes avaient déjà prévu d’appliquer ces sentences contre Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand, mais en ont été empêchées en septembre 2020 grâce à la pression internationale.
En février 2021, Hadi Rostami a reçu 60 coups de fouet en prison après avoir été déclaré coupable de « trouble à l’ordre au sein de la prison », à titre de représailles parce qu’il avait protesté pacifiquement, notamment en observant une grève de la faim, contre ses conditions de détention inhumaines et les menaces répétées d’une application imminente de sa peine d’amputation. Il a tenté de ses suicider à deux reprises en prison, ce qui lui vaut de graves complications médicales.