28 septembre 2021 – L’enquête sur l’assassinat de l’opposant iranien Kazem Radjavi, à Coppet en 1990, est relancée après 31 ans d’impunité. Son frère a obtenu du Tribunal pénal fédéral l’extension de l’instruction à des crimes de génocide et crimes contre l’humanité.
En mai 2020, le Ministère public vaudois a annoncé son intention de classer la procédure contre 13 membres des services secrets iraniens pour assassinat, complicité et instigation. En effet, la prescription de 30 ans pour ces infractions était atteinte.
En tant que partie plaignante, le frère de Kazem Radjavi a dénoncé en juillet 2020 les faits comme constitutifs de génocide et crimes contre l’humanité. Cette requalification permettait d’invoquer l’imprescriptibilité. Le dossier a donc été transmis au Ministère public de la Confédération (MPC) qui est compétent en la matière.
Le MPC a refusé d’entrer en matière en avril 2021 au motif que l’assassinat avait été commis avant l’entrée en vigueur des dispositions réprimant le génocide et les crimes contre l’humanité. Dans un arrêt daté du 23 septembre, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a admis le recours du frère de la victime. La décision du MPC est annulée et celui-ci est invité à reprendre la cause et instruire l’affaire.
Dans son mémoire, le recourant a affirmé que l’exécution de Kazem Radjavi, domicilié à Genève, «s’inscrivait dans le contexte et la continuité du massacre de près de 30’000 prisonniers politiques en 1988 et d’exécutions systématiques extrajudiciaires d’opposants pendant les années qui s’ensuivirent». Selon le recourant, cette politique était voulue par les autorités iraniennes, dans le cadre d’une fatwa prononcée par le guide de la révolution, l’ayatollah Khomeini.
Les juges de Bellinzone constatent, au vu du dossier réuni par les enquêteurs vaudois, que l’assassinat de Kazem Radjavi, nommé ambassadeur auprès de l’ONU à Genève avant de prendre ses distances avec le régime islamiste de l’ayatollah Khomeini, aurait été décidé et ordonné dès 1982 ou 1983 par Ali Fallahijan, ministre des renseignements de la République islamique d’Iran. Militant du Conseil national de la résistance iranienne, une organisation qui a participé à la révolution iranienne avant de s’opposer au régime des mollahs,Kazem Radjavi bénéficiait de l’asile politique en Suisse depuis 1981.
Des commandos iraniens à la manœuvre
Afin de planifier et d’exécuter le crime, des commandos iraniens se sont déplacés trois fois en Suisse entre octobre 1989 et avril 1990. Lors de la dernière mission, une équipe de 13 personnes a observé l’opposant durant plusieurs jours avant de monter une embuscade. Le 24 avril 1990, Kazem Radjavi a été abattu au moyen d’un pistolet mitrailleur calibre 9 mm.
Toujours selon l’arrêt, les auteurs ont quitté la Suisse dans les heures qui ont suivi et ont fait l’objet de mandats d’arrêts internationaux. Durant son enquête, le Ministère public vaudois a constaté qu’une politique d’élimination des opposants avait été menée par les autorités iraniennes entre 1987 à 1993. Des assassinats ont été ainsi commis à Hambourg, Vienne, Genève, Londres, Dubaï et Paris.
Ali Fallahijan a été placé sous mandat d’arrêt international en 1996 par les autorités pénales allemandes, en 2003 par l’Argentine et en 2006 par la Suisse. Dans ces conditions, les faits sous enquête sont susceptibles de relever du génocide et des crimes contre l’humanité, conclut le Tribunal pénal fédéral. Et l’assassinat de Kazem Radjavi peut avoir été commis dans une telle intention.